Titre
Maquette de l'Hirondelle

Description:

Profondeur:

Difficulté:

Qualité:

Coordonnées
GPS:

Vieille épave

-40 à -60 mètres

Difficile

*****

N 46°26,89' (555575)
E 6° 51,72' (144175)
(Système géodésique Suisse)

Détails:

L'Hirondelle est, pour ma part, la plus belle épave en eau douce, qui soit accessible de par sa profondeur, mais réservée aux plongeurs munis d'une très bonne expérience en lac, ainsi qu'aux plongées profondes (60m).
L'épave, en coulant, a touché le fond vers les -10 mètres, puis a glissé sur le fond à forte pente pour s'arrêter finalement à la profondeur de -60 mètres pour la poupe, et -42 mètres pour la proue en creusant un profond sillon encore visible actuellement.

Dessin de l'inclinaison
Historique:

En 1855, certaines compagnies de navigation (la CGN n'existe pas encore) attendent de l'arrivée du chemin de fer sur les bords du Léman une importante augmentation des voyageurs. C'est le cas des Sociétés de l'Aigle et du Léman qui commandent ensemble, à Escher Wyss à Zurich, un grand bateau capable de contenir huit cents passagers. Baptisé Hirondelle, ce bateau est le premier du Léman construit entièrement en Suisse.
Pour augmenter la solidité des tout premiers bateaux à vapeur en bois, on avait pas tardé de les doubler d'une coque en fer. Pour l'Hirondelle, le plan d'Escher Wyss prévoyait un bâtiment entièrement en fer. Mais comme en 1855 il n'y a pas encore de chemin de fer pour amener en Suisse des matières pondéreuses comme le fer, on peut se demander si des modifications ne sont pas intervenues dans la structure du navire.
Il quitte la cale sèche d'Ouchy le 27 août 1856, son service commence à la fin du mois suivant.
Le 19 février 1857, le bateau s'échoue à Promenthoux. Enfin le 10 juin 1862, triste date pour la navigation, l'Hirondelle talonne sur un rocher devant la Becque-de-Peilz en serrant la côte pour croiser un autre bateau. Il reste là, bloqué. Il est impossible de le retirer de cette situation scabreuse. Durant les travaux de dégagement, il affronte deux tempêtes. La seconde aura raison de l'Hirondelle qui sombre définitivement le 18 juillet 1862

Pour ceux qui aiment lire, il y a à la fin de cette page la reproduction des rapports et comptes rendus adressés au Conseil d'Etat les 10,11,et 20 juin 1862 par le Préfet de Vevey. Ils donnent le récit le plus fidèle et le plus détaillé du sinistre.

Découverte de l'épave:

C'est le 27 février 1966 que quatre plongeurs du centre de sport sous-marin de Lausanne (Claude Lang, Dominique d'Arman, André Piguet, et Claude Schmidt) découvrent complètement par hasard l'épave qui gît sur un fond incliné, l'avant reposant par -42 mètres alors que la poupe descend jusqu'à -58 mètres. Les premières photographies de l'épave ont été prises par Beat Arnold le 30 décembre 1970, et ont été publiées dans la feuille d'Avis de Lausanne. L'article reproduit en particulier la photo de la "figure de proue à laquelle est accroché un filet de pêche, tout en bois sculpté représentant la croix fédérale.

Figure de prour

Cette pièce semble être une des partie du bateau la plus intéressante à voir." Il s'agit vraisemblablement de la croix de Savoie surmontée de la couronne du Royaume de Sardaigne.
Rappelons que la Savoie a été rattachée à la France le 24 mars 1860. Une borne frontière au bord de la route allant de Morgins à Châtel porte encore les mêmes armoiries... si elles s'y trouvent toujours !
Cet écusson qui a disparu, aurait été cassé par un plongeur. De nombreuses pièces intéressantes de l'épave ont été prélevées par des plongeurs peu scrupuleux avides de trophées, la disloquant de plus en plus.

Organisation de la plongée:

Le plus simple pour se rendre sur l'Hirondelle est de venir par l'autoroute et de prendre la sortie de Montreux. Après la sortie on descend en direction de Montreux jusqu'à un giratoire (env. 400 mètres). Au giratoire prendre à droite en direction de "La Tour-de-Peilz", et suivre la route jusqu'à rejoindre la route du lac (après le feu). Prendre la route du lac à droite sur environ 500 mètres, et ensuite prendre à gauche le chemin de la Becque. Pour ne pas se tromper, sur la gauche de la route du lac, devant le chemin de la Becque, il y a un grand panneau blanc vantant les mérites de la Tour-de-Peilz. Une fois sur le chemin de la Becque, droit en face en bas de la descente, il y a un chemin piéton qui mène au lac, barré par deux barrières croisées pour empêcher les véhicules de passer. La mise à l'eau se fait là..
On peut parquer une voiture devant les deux barrières sans gêner le passage, et une autre le long du mur, au-dessus de l'entrée du champ, juste au-dessus des barrières. La police tolère ces deux voitures, mais pas plus. Pour les autres, on peut déposer le matériel, et aller parquer de l'autre côté de la route du lac, environ 100 mètres plus loin.

Carte
Mise à l'eau
Route d'arrivée
Chemin vers la mise à l'eau
La plongée:

Avertissement:

Il faut avant tout rappeler que même si c'est une plongée extraordinaire, elle est réservée aux plongeurs confirmés, car 60 mètres en lac reste quelque chose de dangereux, d'autant plus que la visibilité est souvent mauvaise. Un autre danger vient du fait que l'épave est sur une forte pente, et une fois qu'on est dessus, on suit le pont sans se rendre compte qu'on descend très rapidement. Je conseille quand on plonge pour la première fois sur l'Hirondelle, d'aller avec quelqu'un qui la connaît bien.

Il y a deux manières de descendre sur l'Hirondelle:

- Suivre le fond
- Descendre en pleine eau

Suivre le fond est la manière la plus sûre de trouver l'épave, tandis que descendre en pleine eau permet de descendre plus vite et d'économiser des paliers. Par contre s'il y a du courant on risque de manquer l'épave. Mais pour ceux qui aiment ça, les descentes en pleine eau restent magiques.
Quelle que soit la méthode choisie, il faudra effectuer un palmage de surface d'environ 10 minutes. Le seul moyen d'y échapper est de se mettre à l'eau sur la plage derrière le bâtiment Nestlé (voir carte), mais il faudra marcher avec l'équipement un bon bout. De plus l'avantage du palmage de surface est qu'il permet de faire ses paliers au retour. Donc je déconseille la mise à l'eau depuis la plage.

Suivre le fond:

Une fois la mise à l'eau effectuée, palmer en surface en partant sur la droite et en contournant la pointe du port (le lampadaire) jusqu'à la première des trois bouées de haut fond (environ 5 mètres avant).

Pointe du port
Aligner les deux premières bouées rouges de haut fond, et en direction du bord, le vieux lampadaire avec l'arbre plat dessus. Ce qui donne la position à environ 5 mètres de la première bouée de haut fond.
Amer Amer
Amer
Descendre sur le fond (-2 mètres), et prendre plein sud (180°). A environ -15 mètres, on commence à distinguer le sillon que l'épave a creusé en glissant. Il suffit alors de le suivre. Il devient de plus en plus gros et marqué au fur et à mesure de la descente (1 mètre de profondeur sur 3mètres de large et des feuilles mortes au centre ). A -42 mètres on rencontre l'épave.

Descente en plein eau:

A l'endroit de la mise à l'eau, il y a sur le mur un trait rouge vertical. Palmer en surface en partant sur la droite jusqu'à ce que ce trait rouge soit aligné avec la barrière blanche sur la gauche. Ensuite continuer en direction du large en gardant le trait aligné avec la barrière.
Le 2ème amer se situe à gauche, en prenant la même bouée rouge de haut fond que pour la descente sur le fond (la 1ère), et en l'alignant avec le centre de la maison rose derrière (voir photo).
Ensuite descendre le plus rapidement possible pour éviter de se faire déporter. Normalement on doit arriver pile sur la proue de l'Hirondelle à - 44 mètres.

Amer
Amer
Amer

Descendre sur le fond (-2 mètres), et prendre plein sud (180°). A environ -15 mètres, on commence à distinguer le sillon que l'épave a creusé en glissant. Il suffit alors de le suivre. Il devient de plus en plus gros et marqué au fur et à mesure de la descente (1 mètre de profondeur sur 3mètres de large et des feuilles mortes au centre ). A -42 mètres on rencontre l'épave.

Descente en plein eau:

A l'endroit de la mise à l'eau, il y a sur le mur un trait rouge vertical. Palmer en surface en partant sur la droite jusqu'à ce que ce trait rouge soit aligné avec la barrière blanche sur la gauche. Ensuite continuer en direction du large en gardant le trait aligné avec la barrière.
Le 2ème amer se situe à gauche, en prenant la même bouée rouge de haut fond que pour la descente sur le fond (la 1ère), et en l'alignant avec le centre de la maison rose derrière (voir photo).
Ensuite descendre le plus rapidement possible pour éviter de se faire déporter. Normalement on doit arriver pile sur la proue de l'Hirondelle à - 44 mètres.

Dessin de l'Hirondelle
Dessin du fond
Cabine
Dessin de l'Hirondelle échouée
Figure de proue

 

Autres images dans la galerie photos du Léman:

L'Hirondelle

L'Hirondelle

L'Hirondelle

L'Hirondelle
L'Hirondelle
L'Hirondelle
L'Hirondelle
L'Hirondelle
L'Hirondelle

L'Hirondelle

L'Hirondelle

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L'Hirondelle L'Hirondelle L'Hirondelle L'Hirondelle L'Hirondelle
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L'Hirondelle

L'Hirondelle

L'Hirondelle
L'Hirondelle
L'Hirondelle
 
 
Rapports du naufrage


Premier rapport

Au Conseil d'Etat,
Depuis la dépêche que j'ai eu l'honneur d'adresser hier à Monsieur le Conseiller Duplan, il n'y a aucun changement à L'état du vapeur l'HIRONDELLE, ce navire est aux trois quarts sous l'eau, l'avant plongeant et l'arrière en l'air, comme cloué sur un récif et ayant fortement perdu son équilibre. On ne connaît pas encore toute l'étendue du mal, car il est impossible d'arriver à la voie d'eau qui paraît se trouver dessous la machine. Jusqu'à maintenant on a fait de vains efforts pour relever le navire. je crois que nous n'avons pas ici des engins assez puissants pour cela. Les membres de l'administration espèrent beaucoup dans le savoir de l'ingénieur zurichois qui a relevé il y a 2 ans le LEMAN échoué devant Coppet. Cet ingénieur vient d'arriver, accompagné de Messieurs Gottefrey et de la Harpe. Je tâcherai de suivre les travaux autant du moins que mes occupations et la distance me le permettront pour vous tenir au courant. La cause de ce sinistre est évidemment dans l'imprécision du timonier qui ne connaît pas cette partie du lac; par une triste fatalité deux matelots malades ont du être remplacés par deux suppléants et l'un d'eux était au gouvernail lors de l'accident. Il ignorait sans doute l'existence des rochers qui se trouvent à fleur d'eau devant la pointe de Peilz; aussi voyant venir une barque dans la direction opposée et sans tenir compte des signaux des bateliers et leurs cris "passez au large", il lança son navire entre la barque et le rivage et se trouva pris sur les récifs. La faute est d'autant plus grave que la barque marchait à l'étire, ce qui démontrerait que le lac manquait de force. Le capitaine était occupé à délivrer près de 30O billets pour Montreux et Clarens (c'était le jour et l'heure ou les habitants de cette contrée revenaient du marché) le pilote avait aussi beaucoup à faire pour la même raison, causes pour lesquelles une surveillance suffisante n'a pu être exercée. Il est heureux qu'on n'ait eu à déplorer aucun accident car le bateau était fort chargé, mais on a pu transborder sur une barque tous les passagers, marchandises et mobiliers avant que le navire s'enfonçât. Je crains qu'il ne se passe bien du temps avant que ce navire ait pu être remis à flot, il me semble bien difficile de le retirer entier.
Signé Préfet Jean Roche (1852-1869).

Deuxième rapport:

A Monsieur Le Conseiller d'Etat,
Ce n'est que hier 19, que j'ai reçu votre honoré du 16/17 juin me demandant un rapport circonstancié sur le sinistre arrivé à L'HIRONDELLE le mardi 10. Pour me conformer a vos désirs, j'ai fait appeler le Capitaine et Pilote du navire, et j'ai l'honneur de vous transmettre le résumé de leurs déclarations, qui, au reste sont conformes aux renseignements qui me sont parvenus de divers côtés.
Le Capitaine Hoffmann (en septembre 1858 il commandait déjà l'H.) déclare que le 1O juin le bateau à vapeur a embarqué à Vevey pour Clarens et Montreux de 180 à 200 passagers, qui joints à ceux qui étaient déjà à bord, venant de plus loin, portait le nombre total à 350 environ. Le temps était beau, aussitôt après le départ de Vevey, le capitaine parcourait le navire pour engager les passagers à aller prendre leurs billets à la cabine ou un des quatre employés du bateau les distribuait, un second employé était au gouvernail, et les deux autres, le pilote compris, s'occupaient à ranger les bagages sur le pont qui était encombré par les paniers, hottes, corbeilles des passagères de Clarens et de Montreux revenant du marché de Vevey."
Le capitaine ne pouvait avoir aucun doute sur la capacité du timonier Visinand, car cet homme remplaçait un matelot ordinaire malade; il avait été accepté par le capitaine sur la recommandation du malade, le vieux Perrey dit le Zèbre. Visinand avait été pendant, un à deux ans sur le Léman puis ensuite sur des barques, il devait bien connaître le lac."
Arrivé près de la pointe de Peilz, une barque venait du sens contraire, serrant le rivage et marchant à l'étire, fait qui ne pouvait échapper au timonier, malgré cela, celui-ci voulut s'engager entre la barque et la rive et jeta son navire sur les récifs à fleur d'eau. Toute la faute est à ce timonier qui dans cette circonstance s'est conduit comme un enfant ne l'aurait pas fait. le capitaine ajoute qu'il est d'habitude que le matelot qui est au timon à l'arrivée dans un port, reste à son poste jusqu'à ce que le pilote soit descendu de son banc de quart et ait aidé à ranger les bagages, c'est ce qui a eu lieu le 10, comme à l'ordinaire.
Immédiatement après l'accident, la barque cause innocente de ce malheur s'est approchée et les passagers y sont presque tous montés et ont été conduits à La Tour; quelques uns étaient descendus dans des petits bateaux. Après les passagers on eu le temps de débarrasser le vapeur de tout son mobilier, tables, tapis, glaces, etc. Une heure et demie après le choc sur les récifs, le bateau s'enfonçait. Aucun accident n'est arrivé aux personnes car le Capitaine avait eu soin de faire passer tous les Passagers sur l'arrière du bâtiment reposant sur le roc. Pendant le sauvetage il a été perdu un sac de nuit, mais son propriétaire a reconnu que c'était par sa faute. On a volé un tonneau de vin et un jambon, plus une jumelle marine appartenant au Capitaine. Celui-ci a terminé ses explications en déclarant que ni au moment du sinistre, ni depuis, il ne s'est élevé aucune plainte contre lui et, contre la conduite de l'équipage. Il a au contraire reçu des témoignages de satisfaction. Enfin il invoque les témoignages de Messieurs Chausson notaire à Noville et Albert Gétaz qui étaient sur le bateau au moment du sinistre, il désirait que Madame Chaboret, maîtresse de Pension à Genève fut entendue, c'est cette dame qui était sur le bateau avec douze demoiselles de pensionnat.
Le pilote Borgognon François donne les mêmes détails que M. Hoffmann. Et dit que le mardi il y a toujours beaucoup de monde sur le bateau et surtout beaucoup de bagages depuis Vevey Montreux. comme ils ne sont que 4 employés, l'un est au gouvernail, un second distribue les billets, et deux autres doivent s'occuper des bagages. C'est ce qu'il faisait le 10 après être descendu de son banc de quart.
Chacun croyait que Visinand connaissait son métier, il avait été pendant deux ans sur le bateau à vapeur le LEMAN, puis ensuite sur la barque la CONSTANCE et enfin sur le MERCURE Quand la barque a été rencontrée, elle allait à l'étire, ce que le timonier à dû nécessairement voir. Lorsque le bateau a touché il y a eu deux secousses. Il s'est arrêté à la seconde et il est resté immobile pendant une heure et demie, au bout de ce terme, l'avant s'est, rempli d'eau et a sombré, mais auparavant tous les passagers et mobilier étaient sauvés et en sûreté. En résumé le pilote met toute la faute sur Visinand qui est parti le lendemain et n'a pas rapproché l'HIRONDELLE car il serait, dit-il arrivé un malheur".
Voilà, Monsieur le Conseiller d'Etat, tous les renseignements que je peux vous donner et que j'ai lieu de croire exacts. Cela est si vrai que personne n'a pensé à porter de plainte à l'autorité judiciaire, personne n'ayant éprouve un dommage réel, à l'exception d'une émotion bien naturelle mais heureusement de courte durée.
Il est nécessaire de bien se rendre compte des fonctions des employés du bateau l'HIRONDELLE, le Capitaine est officier comptable et actuellement, il a de plus la haute surveillance, du bateau. Quant à la manœuvre, c'est l'affaire du pilote, et celui-ci venait précisément de descendre du banc de quart, ne voyant aucun danger et ne doutant nullement que son timonier allait faire la faute grave qui a détruit le bâtiment. C'est au reste l'opinion générale.
J'aurais bien voulu entendre le timonier Visinand, et même mon intention était de le faire arrêter, mais il a disparu il y a quelques jours après avoir rendu son équipement militaire, on l'a vu à Genève récemment et manifestant la résolution de prendre du service; il serait peut être convenable de le faire rechercher dans cette ville.
Veuillez. Monsieur le Conseiller d'Etat, agréer l'assurance de ma considération distinguée.
Signé‚ le Préfet Jean Jacob Roche."


Troisième rapport

Monsieur le Conseiller d'Etat.
Pour me conformer à l'invitation que vous m'avez adressée d'entendre quelques personnes qui se trouvaient à bord de L'HIRONDELLE lors du sinistre, j'ai écrit aux citoyens ci-après en les priant de passer à mon bureau mardi ler juillet (jour du marché de Vevey) pour me donner les renseignements qu'ils pourront sur les causes de cet accident.
Messieurs Gétaz Albert, Chausson notaire, Favrod allié Druey à Villeneuve, Buenzod Docteur à Montreux, picary et Rochat Charles. De plus, j'ai écrit à Madame Chabore, maîtresse de pension à Genève, qui se trouvait sur le navire avec ses élèves. M. Rochat répond par écrit qu'au moment de l'accident il se trouvait dans le salon de secondes, et ce n'est qu'en montant précipitamment sur le pont qu'il s'est aperçu de l'endroit ou était le bateau. Il déclare qu'au moment de l'accident, le Capitaine invitait les passagers à prendre leurs billets au bureau, vu les nombreux voyageurs, montés à bord à Vevey. Il se loue de la conduite de l'équipage pendant tout le sauvetage. M. Chausson était dans la chambre des secondes au moment de l'accident, il s'est hâté de monter sur le pont, mais il ne peut indiquer comment le sinistre est arrivé, il a bien entendu dire que c'était la faute du pilote, mais il ne peut expliquer si on entendait parler du pilote proprement dit ou du timonier. M. Chausson se loue beaucoup de la conduite du Capitaine, de son sang-froid et de sa présence dans cette circonstance, d'autant, plus que les femmes, surtout, criaient beaucoup, et notamment une Valaisanne, femme du desservant de l'hôtel de la Tour au Bouveret.
M. Buenzod Docteur était dans l'intérieur du bâtiment quand le bateau a été arrêté sur les récifs avec un bruit ressemblant au tonnerre. Le Capitaine dans ce moment-là était descendu pour inviter les passagers à prendre leurs billets, quand M. Buenzod a eu quitté le bateau, il a été convaincu que l'accident était du à la faute du timonier et nullement aux autres employés. M. Favrod dit que le pilote doit se tenir sur son banc de quart au départ d'un port, il n'en descend que quand il s'est assuré sur la bonne direction du navire, c'est ce qui a eu lieu. Le navire a été lancé entre le rivage et une barque navigant à l'étire, le Timonier devait nécessairement la voir et passer en "nan", c'est à dire en plein lac; ne l'ayant pas fait‚ il a été la cause du malheur. Un employé délivrait les billets, le pilote désencombrait le pont et le capitaine engageait les passagers à prendre leurs billets, aucune, faute ne peut leur être imputée. Le déposant ajoute qu'on dit que le timonier Visinand a du être renvoyé du LEMAN, et même que le pilote de l'HIRONDELLE l'avait blâmé quelques jours auparavant pour sa négligence; après le choc le timonier n'avait nullement l'air ému, il était assit près du gouvernail et ne se pressait pas du tout pour aller sur le pont.
M. Gétaz Albert dépose comme toutes les personnes précédemment entendues, il ajoute que le pilote Borgognon est un bon batelier et entendu dans son métier, il venait de descendre de son banc quand le bateau a touché et il a immédiatement donné l'ordre d'arrêter la machine. Le témoin croit que le timonier s'est trompé en tournant la roue du gouvernail, surtout dans la précipitation, cela s'est vu quelques fois, dit il, et chez des bateliers habiles. Néanmoins il ne l'excuse pas et déclare que c'est à Visinand seul qu'est du le sinistre. Il paraît que celui-ci avait dû être rappelé à l'ordre pour sa négligence. Le Capitaine et le pilote ne doivent encourir aucun blâme, car ils faisaient leur service.
Ce rapport qui fait suite à celui que j'ai eu l'honneur d'adresser au Département de Justice et Police le 20 juin dernier, renferme tout ce que j'ai pu apprendre sur cet accident tout fortuit. Le fait que le timonier était distrait par deux femmes qui lui causait, n'a pas pu m'être démontré, C'est un bruit qui a couru sans que j'aie pu remonter à sa source.
J'ai la certitude que s'il se fait une enquête pénale sur cette affaire, elle aboutira à convaincre que l'accident est du à la négligence et à l'imprudence du timonier Visinand, et ne peut nullement être attribué soit au Capitaine, soit au pilote Borgognon. Au surplus, ce qui démontre encore la culpabilité de Visinand, c'est qu'il a disparu le lendemain de l'accident, il doit être encore à Genève.
Veuillez, Monsieur le Conseiller d'état, agréer l'assurance de ma considération très distinguée.

Sceau de la Préfecture de Vevey, le Préfet Roche
Vevey, le 2 juillet 1862.
Au moment d'expédier ce rapport, je reçois de Madame Chaboret, maîtresse de pension à Genève, une lettre qui, quoique ne donnant pas de nouveaux détails sur l'accident, loue beaucoup la conduite du Capitaine et des employés du bateau.
On peut faire certains commentaires sur ces rapports du naufrage de l'HIRONDELLE. Avant l'échouement, le timonier est à la barre placée à l'arrière du bateau, son champ de vision est d'autant plus restreint que 180 à 200 voyageurs montés à Vevey déambulent devant lui sur le pont pour aller prendre leur billets; le pilote, descendu de son banc de quart (passerelle?) s'occupe des bagages! Ce dernier n'était plus en mesure de donner rapidement des ordres au timonier, ni au mécanicien. Visinand, simple batelier du lac s'embauchant sur les barques à voiles ou sur les bateaux à vapeur comme marinier a véritablement été pris pour un bouc émissaire!
L'horaire que suivait l'HIRONDELLE datait du 1er juin 1862 (9 jours avant l'accident), le bateau quittait Vevey à 12 h. et devait arriver à Clarens-Montreux à 12hl5. Il est intéressant de consulter l'indicateur de la CGN du ler mai 1906: Vevey 1lh25, Clarens 1lh4O, Montreux llh45. Cet horaire devait être tenu par des bateaux plus performants, toute confusion était évitée dans les manœuvres; il n'y a plus de pilote; le timonier placé au centre du bâtiment gouverne, seul et donne les ordres à la machine par le tuyau acoustique ou le chadburn.


On tente de renflouer l'HIRONDELLE

M. Beat Arnold, Archéologue à Neuchâtel nous donne la description la plus intéressante des travaux de sauvetage, nous transcrivons son article paru dans AQUATICA:
Le lendemain, les travaux de sauvetage commencèrent à s'organiser et même un associé de la maison Escher Wyss & Cie à Zurich, qui avait construit le bâtiment, vint pour diriger les travaux. On commença par mettre à l'avant des sapins couchés transversalement puis des chaînes furent placées sous la carène.
Avec des crics on espéra le relever centimètre par centimètre et le mener dans un port du voisinage.
Cependant de graves déformations de la coque se laissaient voir, et le fait que les plus graves d'entre elles se trouvaient sous les chaudières ne facilitaient guère le sauvetage. On restait ainsi, encore fort septique quant au renflouage du bateau.
Pourtant quinze jours après l'accident, le vapeur avait été relevé de deux mètres, et l'on commençait très sérieusement à envisager le succès total de l'opération.
Hélas, dans la nuit du samedi l3 juillet au dimanche 14, une tempête violente se leva sur le lac et le navire rompant ses, câbles et brisant les barques d'appui, vit les trente hommes, n'attendant que le lendemain pour le mener au port, l'abandonner.
Au petit matin on ne voyait plus émerger que les bordages et les portemanteaux de l'arrière. Les pompes ayant été englouties avec le vapeur, les opérations de sauvetage s'annonçaient des plus difficiles. Et le mercredi 29 juillet, après qu'on eut récupéré la poupe qui s'était détachée du navire, le reste du bâtiment, soit la proue et les machines disparurent pour toujours dans les flots.
Notons encore que sept années plus tard, un scaphandrier tenta vainement, pendant sept jours de retrouver l'épave.
La photographie de la tentative de renflouage est un document très rare; la photographie instantanée date de 1880!

Travaux de renflouage
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